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Lorsque l'on demande dans une enquête
quelles sont les maladies causées par le tabagisme, le cancer vient en
tête des réponses. Pourtant, parmi les 5 millions de décès attribuables au
tabagisme chaque année dans le monde, on compte deux fois plus de décès
par accident cardiovasculaire que par cancer du poumon. Dans les pays
industrialisés, le tabagisme explique à lui seul jusqu'à 40 % des décès
par maladie cardiovasculaire des hommes de 30 à 69 ans.
En 2004, une grande étude internationale (Interheart, menée dans 52 pays
à travers le monde, a confirmé que de façon universelle le tabagisme
représente le deuxième facteur de risque d'infarctus du myocarde, très
près derrière l'excès de cholestérol. C'est le responsable essentiel et
souvent isolé de l'infarctus du sujet jeune. Environ 80 % des victimes
d'infarctus avant 45 ans sont fumeurs et chez les hommes de moins de 55
ans, près de 6 infarctus sur 10 sont exclusivement attribuables au
tabagisme.
Le tabagisme peut frapper de « petits fumeurs » de quelques cigarettes
et un risque accru de survenue d'infarctus du myocarde a même été
démontré pour le tabagisme passif. Plus de la moitié des décès attribués
au tabagisme passif seraient des décès cardiovasculaires. Enfin, la
fréquence croissante du tabagisme féminin lors des dernières décennies
explique que ce risque touche actuellement également les femmes à un âge
auquel elles ne devraient pas être concernées par la maladie coronaire.
En prenant en compte l'ensemble des maladies dont il est responsable –
entre 60 000 et 66 000 décès annuels en France, c'est-à-dire plus de 1
décès sur 9 –, le tabagisme reste dans notre pays la première cause
de mortalité évitable.
Toute forme de consommation de tabac est à risque !
Une idée assez largement répandue veut que la forme de tabagisme ne soit
pas neutre au regard du risque encouru : certaines formes seraient moins
dangereuses que d'autres. Il n'en est rien puisque, par rapport à un
non-fumeur, l'augmentation du risque d'infarctus lié à l'usage du tabac
est indépendante du mode de consommation adopté (il est multiplié par
2,95 en moyenne).
Le narguilé n'échappe pas à la règle puisqu'il affiche un facteur
multiplicatif de 2,16 : l'eau n'arrête ni les gaz comme le monoxyde de
carbone, ni la fumée, ni les autres composés toxiques de la fumée.
Un risque d'infarctus proportionnel au nombre de cigarettes quotidiennes
L'augmentation du risque d'infarctus du myocarde est directement
proportionnelle au nombre de cigarettes fumées quotidiennement. Fumer
plus d'un paquet de cigarettes par jour, se traduit par une
multiplication par près de 7 du risque de survenue d'un infarctus du
myocarde.
Un risque déjà présent pour quelques cigarettes par jour
Autre idée fausse : le caractère anodin d'un tabagisme considéré comme «
mineur ». Une étude a suivi pendant 30 ans (de 1972 à 2002) 23 000
hommes et 19 000 femmes répartis en différents groupes selon leur
consommation de cigarettes. Elle donne les résultats suivants (voir
tableau ci-dessous) en ce qui concerne l'augmentation du risque (facteur
multiplicatif) pour les décès dus aux maladies coronaires d'une part,
aux cancers du poumon d'autre part.
A chaque âge son niveau de risque
Le tabac et ses dangers guettent les fumeurs à chaque âge de leur vie. À
chaque âge son niveau de risque et sa forme de toxicité.
chez
les jeunes |
C'est surtout le
risque de thrombose, notamment chez la femme qui fume et qui prend
la pilule. Parce que le tabac augmente la coagulation du sang, que
la pilule l'augmente aussi un peu et que l'association des deux
peut être explosive avec, à la clé, des conséquences dramatiques
(accidents vasculaires cérébraux, embolie pulmonaire, etc.). Il y
a des femmes qui ont leur vie brisée à cause de cela (séquelles
d'accidents vasculaires cérébraux). |
entre 30 et 55 ans |
Il y a augmentation
des risques de maladie cardiovasculaire chez les hommes comme chez
les femmes qui fument, avec un risque accru d'infarctus du
myocarde. À cet âge-là, le risque d'avoir un infarctus est lié au
fait que le tabac est un véritable starter, un déclencheur de
déstabilisation de plaque, d'inflammation, conduisant à la
thrombose. Dans cette tranche d'âge, la très grande majorité des
personnes victimes d'un infarctus sont des fumeurs. |
au-delà de 55-60 ans |
Le risque est
directement lié à un emballement de l'athérosclérose, au niveau
des artères du cœur mais également au niveau des artères des
jambes, amplifié (mais pas uniquement !) chez les diabétiques. En
bouchant les artères des jambes, le tabac provoque des douleurs
extrêmement vives à la marche, et, en cas d'interruption totale de
la circulation sanguine à ce niveau, peut amener à des amputations |
Et le
tabagisme passif ?
Différentes études ont été menées sur les conséquences du tabagisme
passif. Elles montrent toutes que le risque d'infarctus est souvent
proche de celui du tabagisme actif :l’exposition pendant 7 heures par
semaine augmente le risque de 24% et une exposition de plus de 22
heures, ce qui correspondait au fait de travailler aux cotés d’un fumeur
l’augmente de 62%, soit l’équivalent du risque de fumer entre 1 et 9
cigarettes/jour (Référence Etude Interheart Teo KK, Ounpuu S, Hawken S.
Lancet 2006; 368: 647–58).
Espérance de vie et tabagisme
Une étude a suivi pendant 35 ans une population masculine (année de
naissance comprise entre 1900 et 1919) de façon à déterminer de la
manière la plus précise qui soit l'espérance de vie associée aux trois
groupes suivants : les non- fumeurs, les ex-fumeurs et les fumeurs (Qiao
Q. « Tabagisme et mortalité », European Heart Journal, 2000 –
Qiao Q et al. Eur Heart J 2000; 21: 1621-6).
L'espérance de vie pour les non-fumeurs est de 73,6 ans. Elle diminue de
2,9 ans pour les ex-fumeurs (espérance de vie de 70,7 ans), de 4,7 ans
pour les fumeurs ayant une consommation inférieure à 20 cigarettes par
jour (68,9 ans) et de 5,8 ans pour les fumeurs dont la consommation est
supérieure ou égale à 20 cigarettes par jour (67,8 ans).
Un travail fondé sur une analyse globale de 20 études différentes
concernant des patients coronariens a montré que le risque de décès
était diminué de 36 %, et le risque d'infarctus de 32 %, pour les
patients qui cessaient de fumer par rapport à ceux qui continuaient
de fumer malgré la maladie coronaire (Critchley J.A., Capewell S.,
Réduction de mortalité liée à l'arrêt de consommation de tabac chez les
patients coronariens, Jama, 2003 Critchley JA, Capewell S JAMA 2003:
290: 86-97).
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