abagisme

L'histoire personnelle de tout fumeur commence par une longue (plusieurs mois, plusieurs années) et heureuse cohabitation avec la cigarette : dans un premier temps, sensation de plaisir et sentiment de liberté occultent toute envie d'arrêter de fumer... c'est la période où le bonheur de fumer rend le fumeur en quelque sorte aveugle aux inconvénients de son tabagisme.

Le temps passant, la dépendance s'installant, les inconvénients du tabagisme chronique finissent par lui apparaître : teint altéré, souffle coupé, peur de la maladie, prise de conscience de sa responsabilité à la naissance d'un enfant... sont autant d'événements qui viennent contrarier, remettre en question son bonheur de fumer et placent le fumeur dans une situation inconfortable de désaccord avec lui-même, de dissonance par rapport à son propre comportement. C'est en fait ce qui représente sa seule chance de prendre la décision d'arrêter de fumer.

Cette décision « mûrie » est elle-même indispensable à la persévérance dans l'arrêt. Il s'agit alors d'un vrai choix personnel, motivé par des arguments forts, propres au fumeur, les seuls efficaces en définitive pour avoir envie de se prendre en charge et vaincre la dépendance.

Fortifier sa résolution

Motivé pour arrêter de fumer, vous craignez que cela soit pour vous une épreuve surhumaine, de l'ordre de l'insurmontable, bref vous doutez de votre capacité à aller jusqu'au bout. La bonne nouvelle, c'est qu'aujourd'hui tout fumeur qui décide d'arrêter dispose pour ce faire d'une large panoplie de ressources, tant humaines que matérielles, qui peut l'aider à élaborer une véritable stratégie thérapeutique adaptée à sa forme de tabagisme, à son degré de dépendance, à son état de santé et à sa personnalité.

Votre entourage peut vous soutenir dans votre motivation, vous encourager. Le pharmacien, le médecin et l'infirmière scolaires, le médecin et l'infirmière du travail, le médecin traitant, le spécialiste (cardiologue, cancérologue), le tabacologue, le psychologue sont au nombre de ceux qui peuvent vous apporter leurs conseils, leur aide et leur compétence si vous n'y arrivez pas seul. Si près de 3/4 des fumeurs qui arrêtent de fumer le font sans aucun moyen autre que leur motivation, des aides au sevrage tabagique efficaces peuvent aussi augmenter vos chances de réussite par une utilisation adaptée et selon votre profil de fumeur : traitements nicotiniques de substitution sous des formes variées, traitement médicamenteux, thérapies cognitives et comportementales font partie de ces moyens.

Vaincre la double dépendance au tabac

Il existe chez les fumeurs une double dépendance au tabac, qui peut représenter un sérieux frein au sevrage :

  • une dépendance physique, pharmacologique, liée essentiellement à la nicotine,

  • une dépendance psychique et comportementale, tenant du réflexe conditionné engendré par certaines situations (prise d'un café, réponse au téléphone...) ou bien en réponse au stress, à la recherche d'une stimulation intellectuelle ou tout simplement d'une sensation de plaisir.

Lorsqu'on fume une cigarette, la nicotine inhalée arrive au cerveau très rapidement, en quelques secondes. Là, elle stimule les récepteurs à la nicotine, créant à chaque bouffée une sorte de flash (comme un shoot) dans le cerveau, entraînant et entretenant à la fois la dépendance physique. Qui plus est, un fumeur dépendant voit le nombre de ses récepteurs augmenter. Véritable cercle vicieux. La sensation de manque peut représenter un sérieux obstacle, souvent infranchissable, au sevrage d'un fumeur dépendant. D'où l'idée, pour pallier ce manque, de remplacer la nicotine inhalée en fumant – celle qui provoque un pic rapide dans le cerveau, stimule les récepteurs, rend accro – par une nicotine maîtrisée.

Cette dernière, contenue dans un timbre (patch), une gomme à mâcher, un comprimé ou un inhaleur, va diffuser lentement, sans pic, de façon adaptée, contrôlée, en quantité et au moment choisis. Elle sera, bien sûr, également vierge de tout monoxyde de carbone et des quelque quatre mille autres produits nocifs contenus dans la fumée de cigarette. Cette nicotine de substitution parvient en fait à « leurrer » les récepteurs en les « gavant » en permanence. Ceux-ci, « virtuellement abreuvés », perdent peu à peu leur soif de nicotine, certains même disparaissent.

Sans pic, pas d'incidence cardiovasculaire, donc pas de contre-indication, y compris chez les patients cardiaques, même après un infarctus du myocarde . On doit donc proposer l'utilisation des substituts nicotiniques pour aider les coronariens accros à arrêter de fumer et leur éviter ainsi le risque de récidive liée au tabac.

Les formes de la substitution

Patchs et substituts oraux
Les timbres-patchs délivrent, de façon continue à travers la peau, de la nicotine. Celle-ci, en traversant la peau, pénètre dans les vaisseaux et se dirige vers le cerveau. L'objectif étant de combler les besoins des récepteurs de nicotine. Certains timbres-patchs sont conçus pour une diffusion de nicotine répartie sur seize heures (on les pose au réveil, on les enlève au coucher), d'autres le sont pour une période de vingt- quatre heures (on les pose au réveil, on les remplace le lendemain à la même heure). Tous existent en trois dosages : un fort, un moyen et un faible. Il est utile de leur associer des gommes à mâcher qui couvriront ponctuellement les envies résiduelles de fumer.
Il existe des gommes à mâcher aux formes et aux goûts variés (dosées à 2 ou 4 mg), des comprimés à sucer (1, 2 ou 4 mg) ou à mettre sous la langue (2 mg), des pastilles à sucer (1,5 mg). Le moins connu des substituts par voie orale est sans doute l'inhaleur, composé d'un embout buccal en plastique et d'une cartouche contenant de la nicotine (l'équivalent de 4 mg de nicotine apportée par une gomme à mâcher). En tirant sur l'embout buccal, l'utilisateur de l'inhaleur fait cheminer la nicotine, via les petits vaisseaux de la bouche puis les artères, jusqu'aux récepteurs nicotiniques du cerveau. La forme évocatrice de ce dispositif (certains y voient une sorte de « fume-cigarette ») peut être très utile, par exemple en début de sevrage, pour ceux qui ont du mal à se débarrasser de la gestuelle (le geste du fumeur). L'inhaleur peut être associé à une autre forme de substitut nicotinique.
Médicament d'aide au sevrage
Le bupropion est un médicament qui agit au niveau de ce qu'on appelle le circuit de la récompense c'est-à-dire les circuits cérébraux impliqués dans les phénomènes de dépendance. Délivré uniquement sur ordonnance, il a pour effet d'augmenter la concentration de dopamine au niveau du cerveau. Explications...

La dopamine est un neurotransmetteur (comme la sérotonine ou la noradrénaline), substance libérée par les terminaisons neuronales, très impliquée dans les circuits du plaisir. Par exemple, manger du chocolat a pour effet de libérer de la dopamine.
Le bupropion, médicament utilisé à l'origine comme un antidépresseur, diminue donc l'envie de fumer. Les fumeurs qui le prennent tout en continuant de fumer au début du traitement décrivent ses effets comme une sensation différente, ni dégoût ni écœurement, plutôt une sorte d'indifférence vis-à-vis de la cigarette, pour laquelle ils éprouvent au fil des jours de moins en moins de plaisir. D'où leur questionnement sur l'intérêt à continuer de fumer. Le buproprion peut donc aider à s'orienter plus facilement vers un sevrage tabagique, à condition de bien le supporter.
La varénicline : bloquer les récepteurs nicotiniques
Cet agoniste partiel des récepteurs nicotiniques connu sous son appellation commerciale Champix® stimule et bloque à la fois les récepteurs de nicotine. En l'absence du médicament, la nicotine vient se fixer sur les récepteurs et, à la manière d'une clé, ouvre la serrure, entraînant une série de réactions en chaîne, dont la sécrétion de dopamine, provoquant plaisir, relaxation, détente... et installation de la dépendance. Avec la varénicline, qui s'y fixe et y reste – les récepteurs étant à la fois stimulés et verrouillés – la sensation est, d'une part, largement atténuée ; d'autre part, la nicotine qui serait apportée par la cigarette ne trouverait plus sa place sur les récepteurs et ne procurerait ainsi plus les effets habituels attendus par le fumeur. Ce produit représente donc une aide réelle à l’arrêt chez le fumeur dépendant.

Les thérapies comportementales et cognitives
Largement répandues dans le monde anglo-saxon, il s'agit d'un mode de prise en charge psychothérapique basée sur l'écoute. On fait appel par exemple aux entretiens motivationnels, qui vont aider le patient à mûrir sa décision d'arrêt du tabac. Il s'agit d'aider la personne à trouver ses propres arguments et à faire son propre bilan, en mettant en balance les avantages et les inconvénients du sevrage, eu égard à sa situation, son environnement, sa santé, sa personnalité...

D'autres techniques reposent sur une analyse du comportement, dans laquelle la personne note toutes les circonstances liées à la consommation du tabac : heure, cotation de l'envie et du besoin qui l'ont amené à fumer, description de la situation, de ses pensées et émotions, etc. en cas de dépendance physique importante, on peut faire appel, en complément, à un traitement pharmacologique.

Rechute ou reprise ! Sur le chemin de la réussite...

Il n'est pas assuré qu'on arrive à arrêter de fumer définitivement du premier coup. Les événements de la vie, une démotivation, un traitement inadapté... peuvent être à l'origine d'un renoncement au sevrage et conduire à la reprise de la cigarette. Plusieurs expériences sont parfois nécessaires. Rien de plus normal : cela fait partie de l'histoire de l'arrêt du tabac. Arrêt après arrêt, à chaque fois on augmente ses chances de rester un ex-fumeur pour le reste de ses jours.

L'arrêt du tabac est une succession de plusieurs étapes, dont la reprise peut être considérée comme une étape supplémentaire à franchir. Personne n'est à l'abri d'une reprise, même après une longue période d'abstinence. L'important est d'en avoir conscience pour à la fois déjouer les pièges d'un accident de parcours toujours possible et ne pas le vivre comme un échec, avec le risque d'un renoncement définitif.

Site internet de la Fédération Française de Cardiologie

Pour plus d'informations, vous pouvez consulter ou commander la brochure de la Fédération Française de Cardiologie :
http://www.fedecardio.org/commande-de-brochure